« L’éducation à l’empathie et à la philanthropie doit trouver toute sa place à l’école » - Tribune conjointe, Le Monde
Alors que la crise sanitaire ou la guerre en Ukraine ont heurté les plus jeunes, il y a urgence à développer une citoyenneté éclairée, en cultivant les valeurs liées à l’intérêt général et à l’altruisme, défendent, dans une tribune au « Monde », à l’initiative du collectif L’Ecole de la philanthropie, de nombreux acteurs de la solidarité et enseignants. Développer l’empathie, la solidarité et la philanthropie chez les enfants, c’est possible. Et c’est même un impératif ! Parce qu’il faut comprendre quels sont les besoins de l’autre pour donner de façon juste – avec justice et justesse ; l’empathie et la philanthropie sont fondamentalement liées. Les enfants naissent tous empathiques. C’est une qualité naturelle, présente dès les premiers mois de vie, mais qui demande à être développée. L’empathie, telle qu’on la connaît chez l’adulte, émerge à partir des 6 ans de l’enfant. Elle lui permet de se mettre à la place de l’autre en dépassant une dimension strictement émotionnelle pour apporter une aide adaptée aux besoins d’autrui. Mais cette disposition a besoin d’être soutenue, encouragée, voire cultivée. En effet, pour de multiples raisons, à la fois biologiques, affectives et sociales, à l’approche de l’adolescence, les comportements prosociaux diminuent drastiquement. Aussi, dès le plus jeune âge, là où se posent les fondamentaux et où se joue la lutte contre les inégalités, l’éducation à l’empathie et à la philanthropie doit trouver toute sa place à l’école. Elle a pour vocation de sensibiliser les enfants à l’empathie, à l’altruisme et aux grands enjeux de notre monde, ainsi que de susciter chez eux un engagement citoyen en faveur de l’intérêt général. Par la mise en œuvre de projets solidaires, elle permet de révéler le potentiel de chacun en prenant en compte toutes les dimensions de la personne : intellectuelles, psycho-émotionnelles, culturelles… En donnant également aux enfants – et notamment aux plus fragiles – l’opportunité de trouver leur place à l’école et de développer une nouvelle appétence pour apprendre, elle contribue à la lutte contre le décrochage scolaire. S’appuyer sur l’éducation à et par la philanthropie, c’est aussi défendre une certaine vision de la citoyenneté et un projet de société. Encourager l’exercice de la solidarité et de la générosité au service de l’intérêt général, c’est combattre le repli sur soi et le communautarisme, réduire les fractures sociales en apprenant aux enfants à tisser des liens altruistes et solidaires pour mieux vivre ensemble. L’école, loin d’être le sanctuaire que l’on a souvent idéalisé, est éminemment perméable aux enjeux de notre société. Face à la pandémie de Covid-19, la communauté éducative a été mise à rude épreuve. Mais, dès le début de la crise sanitaire, elle a su se mobiliser en faveur des hôpitaux, des Ehpad, des plus démunis… Les enfants ont dû faire face aux défis causés par la distanciation physique et l’isolement social. Leur regard sur le monde, sur les autres, a été bousculé. La guerre qui touche l’Ukraine a fait naître de fortes interrogations chez eux. L’inquiétude et la peur ont émergé dans les discussions en classe, accompagnées de questions sur la façon de venir en aide à la population ukrainienne. Avec l’accueil d’élèves ukrainiens allophones, les enfants sont amenés à faire preuve de philanthropie, de partage, de solidarité, d’altruisme et d’empathie. Cette actualité sans précédent accentue les différences comme les fragilités existantes. Le climat scolaire pourrait en pâtir. Mais elle peut être aussi l’opportunité de changer les regards et de permettre aux enfants de s’ouvrir à l’autre et au monde. La mise en œuvre de l’éducation à et par la philanthropie en apporte la preuve : elle permet de battre en brèche l’individualisme et l’indifférence, et donc d’installer un meilleur climat scolaire. Le besoin de philanthropie n’a jamais été aussi fort. Face aux nombreux défis à relever sur le plan social, économique et environnemental, nous devons plus que jamais remettre les actions citoyennes au cœur de notre société. Les valeurs liées à l’intérêt général, à l’altruisme et à la solidarité sont essentielles au vivre-ensemble. Cultivons-les ! Nous, acteurs de la solidarité, enseignants et associations qui intervenons auprès de jeunes publics, restons mobilisés pour que chaque enfant puisse réaliser son plein potentiel. Mais pour que l’éducation à la philanthropie, à l’empathie et à la solidarité trouve toute sa place à l’école, nous appelons à ce que soient développées, au sein du système éducatif et conformément au socle commun de connaissances, de compétences et de culture, les conditions nécessaires à cet apprentissage et nous formulons les propositions suivantes : Notre monde nous le dit : il y a urgence à développer une citoyenneté éclairée et engagée. De nombreux enseignants portent déjà cette conviction et cette volonté. Amplifions cet élan et donnons aux enfants le pouvoir d’aider. Les signataires : un collectif issu des secteurs de l’éducation et des associations regroupé autour de L’Ecole de la philanthropie, avec Rokhaya Allard, professeure de CM1 à l’école Belzunce, à Paris ; Sophie Blain, directrice de l’association Les doigts qui rêvent ; Elise Boghossian, fondatrice d’Elise Care ; Pierre Siquier, président de France générosités ; Laurence Champier, directrice générale de la Fédération française des banques alimentaires ; Laure Chastel, professeure de CE2 à l’école Claude-Bernard, à Paris ; Aude Court, professeure de CM2 à l’école Pablo-Neruda, à Vaulx-en-Velin (Rhône) ; Elsa Da Costa-Grangier, directrice générale d’Ashoka France ; François Debiesse, président d’Admical ; Estelle Dubreuil, coordinatrice nationale de l’association FAIRe un monde équitable ; Martial Dutailly, directeur général de l’Institut de formation, d’animation et de conseil ; Jacques-Charles Fombonne, président de la Société protectrice des animaux ; Barthélémy Fougea, président de l’association Sur le chemin de l’école ; Yaële Aferiat et Frédéric Fournier, coordinateurs du mouvement Giving Tuesday France ; Stéphanie Fugain, présidente et fondatrice de l’association Laurette Fugain ; Pascale Garnier-Gréard, professeure de CM1 à l’école du Général-Lasalle, à Paris ; Adeline Gerritsen, vice-présidente de l’association Organe de sauvetage écologique ; Laura Gruarin, présidente de La Cloche ; Nadia Haton, présidente de Blooming-S’épanouir à l’école ; Jonathan Hude-Dufossé, président de l’Association française des fundraisers ; Yann Lasnier, délégué général de l’association Les Petits Frères des pauvres ; Alain Lévy, président de l’association Cultures, loisirs, animations de la ville d’Issy-les-Moulineaux ; Laurence Ligier, directrice fondatrice de l’association Cameleon ; Benoît Miribel, président du centre français des fonds et des fondations ; Pascaline Monchiet Quatannens, professeure de CM1-CM2 à l’école Sand-Desrousseaux, à Lomme (Nord) ; Guillaume Prévost, délégué général de l’association VersLeHaut ; Jérôme Saltet, président de l’Ecole de la philanthropie ; Virginie Schaefer, fondatrice de l’association Le Sens de l’école ; Michel Wendling, directeur général et cofondateur des Ateliers Amasco.Combattre le repli sur soi
Meilleur climat scolaire